((From Music in Belgium, 16
October 2008)
KILLING
JOKE à l'Ancienne Belgique, les précurseurs de l'indus toujours hargneux
Ce 29 septembre, Killing Joke
entammait la première de ces deux soirées à l'Ancienne Belgique. Les deux
concerts s'annonçaient différents. C'est dire si les fans du groupe ne
voulaient à aucun prix manquer cela. La première partie était assurée par
Treponem Pal.
1980 : alors que le punk meurt sur le bord de la route, ses oripeaux sont
récupérés par la New Wave, qui l’enjolivera sous de froids synthétiseurs, et
par le heavy metal, alors régénéré par la New Wave Of British Heavy Metal. Au
milieu de tout cela sort un disque unique en son genre, premier album d’un
groupe appelé Killing Joke. Cela se passait il y a près de trente ans et ce
quatuor londonien venait de mettre sur les rails un genre sans précédent : le
rock industriel. Oh, bien sûr, il y avait eu Kraftwerk quelques années
auparavant mais Killing Joke était le groupe qui avait réussi à faire main
basse en un seul coup sur le punk, la New Wave et le metal. A cette époque, la
blague qui tue comptait en ses rangs Jaz Coleman (chant et claviers), Geordie
Walker (guitare), Paul Ferguson (batterie) et Martin "Youth" Glover (basse).
Avec ses deux premiers albums "Killing Joke" (1980) et "What’s THIS
for" (1981), Killing Joke entrait pour de bon dans la cour des grands
inspirateurs de toute une musique qui trouverait bien des années plus tard ses
fers de lance avec Ministry, Nine Inch Nails ou Rammstein. Le metal industriel
est né avec ces deux albums fondamentaux qu’il ne faut jamais oublier de
célébrer.
C’est exactement ce concept qu’a choisi Killing Joke pour se rappeler à notre
bon souvenir, après trente ans de bons et loyaux services (le groupe s’est
formé en octobre 1978 à Londres). La tournée qui visite l’Europe ces temps-ci,
indépendante de la sortie d’un nouvel album, se base sur deux shows joués deux
soirs de suite dans la douzaine de villes qui auront le privilège d’accueillir
Killing Joke. Il y a plusieurs raisons de se réjouir de l’événement. D’abord
parce que Killing Joke apparaît sur scène dans sa formation d’origine, celle
qui de 1978 à 1982 offrit les deux magnifiques premiers albums. Ensuite parce
que ce sont précisément ces deux premiers albums qui font l’objet du premier
concert, alors que le second est consacré à l’interprétation de
"Pandemonium", autre fabuleux album de 1994, et des premiers singles parus
sur Island en 1979-80. Enfin parce que deux concerts de Killing Joke d’un
coup, ça ne se refuse pas. En prime, Jaz Coleman a annoncé qu’avec ses
camarades de la première heure, il compte remettre sur le tapis un nouvel
album qui devrait s’avérer bien percutant.
En attendant de vérifier tout cela sur disque, on peut déjà profiter du talent
de Killing Joke sur la scène de l’Ancienne Belgique, dans cette bonne ville de
Bruxelles qui a eu la chance d’être sélectionnée pour la tournée. Par respect
pour le groupe, j’ai évidemment signé pour les deux concerts, ce qui donne
l’occasion de faire une double chronique. Devant la porte de l’Ancienne
Belgique, je passe le temps en comptant sur les doigts d’une main les quelques
spectateurs qui attendent sur le trottoir. Il est dommage de constater
qu’actuellement, un groupe comme Killing Joke n’est plus adulé comme il
l’était avant. Et pourtant, quelle influence, quel palmarès! Tous les albums
et presque tous les singles du groupe de 1980 à 1996 ont été classés dans le
Top 10 anglais, Killing Joke raflant même quelques numéros un avec les albums
"Brighter than a housand suns" en 1986 et "Outside the gate" en
1988. Joli score aussi pour "Night time" (1985), dont on attend aussi
quelques chansons prévues au premier concert.
Dans la salle, ce sera la même dispersion, avec un public qui ne va vraiment
investir l’AB qu’après la première partie. Celle-ci est assurée par
Treponem Pal, un groupe français qui fit les beaux soirs de la très intime
scène indus française dans les années 90. Je n’avais plus entendu parler de ce
groupe depuis longtemps, mais celui-ci revient après 10 ans d’absence avec un
nouvel album. Le producteur en était Paul Raven, précisément un ancien
bassiste de Killing Joke. La mort l’a emporté en 2007, en plein enregistrement
de l’album de Treponem Pal. C’est en hommage à Paul Raven que Killing Joke a
choisi de tourner avec Treponem Pal pour les concerts français et belges de la
tournée. Treponem Pal est toujours animé par Marco Neves, l’imposant chanteur
qui a fondé le groupe en 1986. Le groupe donne l’occasion au public de se
rappeler de son meilleur album "Excess & overdrive" (1993), dont de
nombreux extraits sont joués ce soir. On découvre un groupe au style plus
métallique qu’industriel, cerné par deux guitaristes qui usinent des riffs
hypnotiques et brutaux. Au milieu, le chanteur profère un chant guttural en
agitant les bras dans de curieux mouvements bien frêles pour son gabarit de
bûcheron canadien. Un petit batteur nerveux sur la cymbale, concentré sur le
fût, ainsi qu’un électronicien derrière un clavier viennent soutenir les
guitares et la basse, qui jouent à l’ancienne, sans expédient. Treponem Pal
monte peu à peu un mur de sons pachydermiques et méchants. Cela ressemble un
peu à du Killing Joke mais en plus lourd, où alors à ce sympathique groupe
belge qui s’appelait La Muerte. En hommage à Paul Raven, le chanteur dédie le
titre "Sonic life", du dernier album "Weird machine". Le public
écoute religieusement, sans trop remuer.
Ca va bouger beaucoup plus à l’arrivée de Killing Joke, qui investit la
scène à 21 heures précises. Jaz Coleman apparaît en combinaison grise, le
cheveu noir de geai et un maquillage qui rappelle celui d’Alice Cooper. Pour
la set list, ça ne va pas être trop compliqué : tout "Killing Joke"
d’un côté et tout "What’s THIS for" de l’autre. J’ai choisi de me
placer à droite de la scène, face au bassiste. Celui-ci inonde tout le son du
groupe avec son instrument réglé à fond. J’entends à peine le guitariste mais
ça ne fait rien, je me mettrai devant lui demain. Et c’est parti pour 90
minutes de grand-huit industriel, animé par un Jaz Coleman en forme olympique.
C’est peut-être le fait de jouer les morceaux des débuts du groupe qui semble
rajeunir tous les membres de Killing Joke. Jaz Coleman parcourt la scène en
tous sens, mécanique, robotique, agile, allumé, le faciès grimaçant et l’œil
menaçant. En deux coups les gros, le public est dans le truc et ça pogote avec
l’énergie et la puissance d’une bande de macaques lâchés dans une bananeraie.
Le fait d’entendre l’intégrale de "Killing Joke" défiler dans l’ordre
est un vrai régal. "Requiem", "Bloodsport", "Wardance"
provoquent des ondes de choc dans le public. Un ou deux slammeurs montent sur
scène pour faire trempette dans le public mais ce ne sera pas bien méchant de
ce côté.
Vient alors le tour des titres de "What’s THIS for" et la parade de ses
morceaux taillés pour la violence froide. En plein milieu, les types de la
Joke se souviennent qu’ils doivent jouer "Eighties", un morceau de 1985
extrait de l’album "Night time". L’interprétation en sera excellente,
chauffée au rouge par un public et un Jaz Coleman qui ont envie de tout casser.
Au milieu de cette anarchie, le guitariste sirote sa bouteille de vin entre
deux riffs puissants. Puis on reprend le cours du deuxième album avec des
versions échevelées de "Butcher", "Madness" et autre "Who
told you how".
Pour la fin du set, le groupe nous a gardé sa pièce maîtresse, "The wait",
le morceau fondateur du metal industriel, bien sûr extrait du premier album.
Même Metallica en a fait une reprise, c’est vous dire l’influence de ce
morceau. Pour le rappel, Killing Joke nous sort un petit "Love like blood"
de derrière les fagots, en hommage également à Paul Raven. Puis il nous
familiarise à "Timewave", un nouveau titre qui figurera sur le prochain
album, de la fine rigolade en perspective.
Nous pouvons quitter la salle de l'AB l'esprit tranquille puisque la fin du
concert de Killing Joke n'est que provisoire et on va reprendre la bagarre dès
demain.
Liste des morceaux :
- Requiem (Album "Killing Joke" 1980)
- Wardance (Album "Killing Joke" 1980)
- Tomorrow's world (Album "Killing
Joke" 1980)
- Complications (Album "Killing Joke"
1980)
- Bloodsport (Album "Killing Joke"
1980)
- S.O. 36 (Album "Killing Joke" 1980)
- Primitive (Album "Killing Joke" 1980)
- The fall of because (Album "What’s
This For" 1981)
- Tension (Album "What’s This For"
1981)
- Unspeakable (Album "What’s This For"
1981)
- Eighties (Album "Night Time" 1985)
- Who told you how? (Album "What’s This
For" 1981)
- Butcher (Album "What’s This For"
1981)
- Madness (Album "What’s This For"
1981)
- Exit (Album "What’s This For" 1981)
- Follow the leaders (Album "What’s
This For" 1981)
- The wait (Album "Killing Joke" 1980)
- Pssyche (Single "Wardance/Pssyche"
1980)
Rappels
- Love like blood (Album "Night Time"
1985)
- Timewave (Nouveau titre)
- Change (Single "Requiem/Change" 1980)
BECQUART