(From Best, French music magazine, December 1986.)

Tuers A Gags

Drolement fous plutot que follement droles, les Killing Joke echappent a tous les controles et font de plus en plus de victimes.

L'expression « killing joke » fait partie de ces termes anglo-saxons difficilement tradui- sibles ma!s qui decrivent bien leur objet. Pre- nons donc, srvous levoulez bien (n'avez pas le choix !), un exemple tout con. Et imaginons un pauvre type qui, crevant au beau milieu du Sahara, s'apercoit qu'il a betement omis de prendre une roue de secours et que ses reserves de flotte sont aussi pleines qu'un frigidaire ethiopien. Eh bien pour lui, c'est la « killing joke », la btague bougrement desa- greable, la vanne mortelle en somme, I'ironie implacable du sort.

Jaz Coleman, quant a lui, utitise une image encore plus forte pour expliquer la plaisante- rie ultime. Pour lui en effet, la « killing joke » c'est un mec qui se retrouve durant une guerre dans une tranchee, on sonne la charge" ii part a I' attaque a 10 contre 1 000, et alors qu'il court vers une mort certaine et horriblement douloureuse, il pense au politi- cien qui a declenche tout ce merdier et qui doit se la couler douce un verre de cognac a la pogne dans son douillet cottage du Sus- sex. Dur, dur, disait j'sais plus qui.

DJ;Q)e de vanne donc que cette « killing joke ». Pas un hasard si ce frappe de Jaz Coleman se I'est accaparee pour qualifier les activites musicales de choc de son combo, car avec les Killing Joke, rien n'est raisonnable. Je connais peu de groupes qui soient parvenus a se forger une si mauvaise reputa- tion en si peu de temps. La leur est epouvan- table. II taut signaler a cette occasion que la presse anglaise a fait la un travail de longue haleine assez ignoble pour tenter de leur cas- ser la baraque. Des le debut ils ont ete redou- tes, puis detestes, denigres, calomnies pour n'etre finalement acceptes du bout des levres que tout recemment. C'est que ces gens-Ia ne sont pas convenables. J'espere bien, non mais sans blague.

WAR DANCE

Pourtant, tout a commence le plus gentiment du monde dans la paisible province bri- tannique du Gloucestershire (capitale : Gloucester, bravo si vous aviez devine), a Cheltenham plus exactement, cite ni vrai- ment champetre, ni completement surindus- trialisee. C'est la que Jaz Coleman rencontre le batteur Paul Ferguson en juin 79 chez leur futur manager Brian Taylor. Jaz a une forma- tion classique, il a en effet fait partie de cette institution a violons et trompettes anglaise nommee le National Youth Orchestra en tant que ch9riste (on recherche toujours des photos !), mais il s'en est vite remis en se prenant violemment le mouvement punk en pleine tete, et a dorenavant des pretentions de chanteur et de joueur de synthe.

Le discret Paul, qui a deja ecume les clubs et pubs de la region avec pJusieurs groupes approximatifs, desire maintenant passer aux choses serieuses. Mais nos deux hommes ont besoin de deux polisseurs de manche, Apres plusieurs coups dans I'eau, ils tombent sur deux personnages a leur pointure, le guitariste Geordie et le fantasque bassiste Martin « Youth II Glover. Ces deux derniers n'ont d'ailleurs jamais joue dans un groupe auparavant, ce qu'ils se gardent bien d'an- noncer a leur audition, Mais Jaz et Paul sont conquis, les deux nouveaux lascars font I'af- faire. Une sale affaire.

Le groupe repete alors dahs le Gloucester- shire et travaille directement sur des compo- sitions personnelles, Ce qu'ils ont a exprimer ne peut en effet venir que d'eux-memes. 11$ parviennent rapidement a decrocher des pre- mieres parties avec les Ruts, et excusez du peu, Joy Division. Leur set encore tres brut et fouillis ili1pressionne deja les petits veinards qui assistent a ces tournees. Fin 79, ils signent un deal avec le label Malicious Damage, une appellation qui leur va comme un gant, et sortent dans la foulee leur pre- mier EP, « Are You Receiving ? ». Apparem- ment pas grand monde ne recoit vraiment, mais le truc est plus que prometteur. Des ce premier jet, on sent ces quatre sur-excites capables de grandes choses, leur acharne- ment a vouloir deverser leur energie en fai- sant le plus de. bruit possible les classe des le depart en marge de la scene post-punk bri- tannique, quelque chose de nouveau est en train de se declencher, un nouveau mouve- ment, qui sa it ?

Au debut de I'annee suivante, alorsque la seconde vague du punk anglais recommence a y croire avec des groupes comme 1919 ou Chelsea, Killing Joke sort son « Requiem ». Dans ce single hypnotique, au tempo medium et lourd, on retrouve tous les ingre- dients du style KJ, un mur du son de guitare, un Jaz hurlant sa hargner et une rythmique musclee. Le groupe commence deja a avoir un certain following fide le qui se forme plus grace au bouche-a-oreille qu'aux eloges de la presse specialisee. Mais ce n'est vraiment qu'avec le 45t suivant, le classique « War Dance >I, que les choses se precisent. Le sin- gle entre dans les charts independants, et le groupe n'en ressortira que pour investir en grande pompe les charts officiels cinq ans plus tard. « War Dance >I, sur la pochette duquel on trouve Fred Astaire dansant sur un champ de bataille couvert de macchabees (une idee de ce pervers Mike Coles), devient rapidement un hymne de la belle jeunesse lobotomisee.

Mais laissons le toujours-en-verve Jaz exprimer lui-meme sa conception de la danse de la guerre:

« La « War Dance », c'est la parano de tous, qu'on le veuille ou non. Nous sommes arrives a untel degre d'emotion que les gens doivent celebrer la danse de la guerre. C'est devenu une autre part de nous-meme et cela n'a rien de pessimiste. Nous sommes sim- plement en train d'accepter la realite, nous faisons face et c'est bien mieux que de bais- ser les bras ou de rev8sser. La musique de PIL ou de Joy Division par exemple ne mene les gens qu'a la deprime, cela mine tellement que, apres f'avoir ecoutee, tu n'as plus envie d'essayer quoique ce soit. Je prefere la rigi- dite, la tension, le conflit, cela me motive ».

PRIMITIVE

Nous y voila, Une bonne part de cette sale reputation du groupe est a crediter aux decla- rations ambigues de Jaz. C'est a croire qu'il fait tout pour qu'on I'accuse des pires maux, II dit par-Ia qu'il admire Wagner et Nietzsche, il annonce par-ci qu'une bonne grosse guerre serait une bonne chose, enfin bref tout pour qu 'on le taxe d'abominable fasciste, Et pourtant Killing Joke n'a rien d'un escadron fascisant. D'abord parce que pour cela il fau- drait qu'ils acceptent les doctrines d'un sys- teme politique vicieux et qu'ils se plient a une discipline aveugle, ce dont its sont incapa- bles, Et ensuite parce que leur seul talent et pretention consistent a exprimer a leur facon I'absurdite du monde du 20. siecle et evo- quer les violences urbaines au travers d'une musique justement extremement violente elle-meme. lIs ne denoncent en effet jamais clairement les injustices sociales, le ch6- mage, la crise anglaise ou la guerre, i's sont deja dedans jusqu'au cou, ils vivent cela depuis toujours, et ils connaissent deja les pillages, les penuries, les epidemies. Leur truc n'est jamais pense, raisonne, planifie, ca sort du ventre, c'est primitif. Alors oublions ces conneries sur le fascisme (qui a aussi failli faire du tort a Joy Div' et meme a Bowie) et revenons au premier LP, simplement inti- tule « Killing Joke » qui sortit fin 1980 sur le label de Brian Eno, EG.

Et des le premier album c'est le clash, la baffe, la grosse bertha. Le groupe y va droit a I'essentiel, ne s'encombre pas de details dans le son et decharge son urgence a une vitesse difficilement supportable. L'intensite est telle que I'on pourrait le qualifier de hard- punk. D'ailleurs le seul instrumental du dis- que, « Bloodsport », evoque plus que vague- ment les premiers delires sonores de Led Zeppelin. Mais le principal atout de « KJ » reside dans des morceaux comme le bien nomme « Primitive »,«War Dance » (dont la version est ici encore plus sauvage que sur le 45) ou encore « Complications ». En plus, le packaging de la pochette colle parfaitement au contenu. On y trouve des gamins devalant un mur apparemment au milieu d'une emeute. A I'interieur on les retrouve face a un Christ plus diabolique qu'autre chose. Dans un coin de la photo apparait pour la premiere fois leur petit personnage fetiche, une sorte de joker chauve au regard malsain et envou- tant. On est tout a fait dans runivers Killing Joke.

L' annee 81 va etre bien remplie pour nos quatre garcons dans la tempete. Le groupe est aux states en tout debut d'annee et les pauvres ricains n'en croient ni leurs oreilles ni leurs yeux. II taut dire que Killing Joke, sur scene, procure un effet unique. La personna- lite de Jaz ecrase completement ses musi- ciens, on ne voit que lui; a cette epoque, ii est toujours vetu d'une combinaison noire et se peint le visage avec de grandes trainees noires et rouges tel un guerrier africain. Son charisme qui tient du satanisme et de I'hyp- notisme ne laisse personne indifferent. Mais les Etats-Unis ne sont pas prets pour ce genre de celebrations pai"ennes et le groupe rentre a Londres au printemps apres avoir devaste quelques chambres d'hotel et avoir fait quelques declarations scandaleuses. 115 y enregistrent le single « Almost Red », suivi en mai du second grand classique du groupe « Follow The Leaders »/« Tension » pour lequel Nick Launay (qui travailla avec PIL) vient preter main forte. Ces deux singles comme tous les disques precedents sont encore concoctes au depart dans leur propre studio 8 pistes pour etre ensuite enregistres au Virgin's Town House et produits par eux- memes.

« Follow The Leaders », le morceau le plus hypnotique et le plus envoutant de leur car- riete restera 5 semaines dans les charts offi- ciels mais ne depassera pas la... 55. place. Pour les charts independants, c'est bien entendu une autre histoire. Bien que mieux enregistre que « KJ », « What's This For... I », leur 2. album qui sort en octobre n'en est pas moins totalement la suite logi- que du premier LP. On y retrouve le meme son de guitare en avant, les memes riffs cin- giants, la meme batterie qui a rair d'avoir oublie ses cymbales et la meme conviction enragee dans la voix de Jaz. Avec trois ans d'avance, Killing Joke inventait ce que I'on qualifierait plus tard de positive punk. Les points forts de ce disque sont avant tout « The Fall of Because », son rythme syncope et ses descentes de guitare tres hardos, « Tension », la face B de « Follow the Lea- ders » que ron retrouve aussi ici. L'album entrera aussi par la petite porte dans les charts officiels et ce a la 42. place, ce qui est mieux que rien.

Mais le groupe provoque tout de meme une belle controverse au sein de la presse britannique, La violence de leurs concerts et les allures de leurs fans les rendent aux yeux de certains,coupables de degradation morale, de blasphemes, de corruption (?), de magie noire et de tout un tas de sports de ce genre, Une association de Catholiques romains de Glasgow reussira meme a faire interdire un de leurs concerts. KJ ne se traumatise pas pour autant, car le public est de plus en plus nombreux et inconditionnel, En 81, il n'est pas de ville en Angleterre ou I'on ne trouve quelques « Killing Joke » bombes sur les murs.

HUM

C'est que dorenavant Killing Joke est entre, de force mais bien entre quand meme, dans le panorama musical et social de I' An- gleterre. C'est une sorte de mal necessaire, une soupape de securite, comme la violence aux matches de foot, les beuveries aux pubs, ou les bookmakers. Mais alors que la musi- que rock anglaise adoucit le ton en 82 avec des revirements spectaculaires comme ceux, entre autres, d'Ultravox, des Stranglers ou encore de Cabaret Voltaire, les Killing Joke restent durs et fermes avec trois singles, « Birds of a Feather », « Empire Song » et « Chop-Chop », dont les deux derniers se retrouvent sur le LP « Revelations ».

En fait de revelations, ce troisieme album decocherait plutot des fleches empoisonnees en direction de la societe bien pensante anglaise. Les paroles sont au comble de la provocation, Oans « Chop-Chop », Jaz deam- bule dans une banlieue residentielle et la decrit comme un extra-terrestre allume pour- rait le faire. Oans « We Have Joy » il illustre la philosophie Killing Joke par ce refrain : « Nous etions saouls, intoxiques, nous n'avions pas le temps de douter, pas de temps a perdre, j'ai vu le rieur, c'etait l'Ouest, il m'a dit de prendre mon epee et de lacerer la chair, nous avans la jaie »,

« Hum » annonce I'arrivee d'un etrange vrombissement dans le ciel, parle de mouche mais il taut comprendre avions de chasse ou bombe, L 'album, produit par Canny Plank (OAF, Neu, Ultravox.,.) fait un sacre bruit et ne fait que creuser davantage le ravin qui separe leurs fans de leurs detracteurs, Mais le groupe semble avoir ete trop loin, Jaz finit par vivre la folie qu'il declenche a chacun de ses concerts et ii commence a serieusement derailler. Et a la surprise generale, a la suite d'une tournee americaine et canadienne, il quitte l'Angleterre avec Geordie pour 1'15- lande, sans meme prendre le soin de prevenir la maison de disques ou les autres musi- ciens,

Au debut, Jaz et Geordie se joignent a un groupe local nomme Peyr, mais Geordie se lasse vite du bled et rentre a Londres retrou- ver le reste du groupe encore plus decale que Jaz, Youth n'a alors parait-il plus toute sa raison suite a une trop grande et repetee absorption de substances diverses mais toutes illegales. Jaz restera 7 mois en Islande, se coupant completement du monde rock et se recueillant dans la nature, II y pre- pare un livre, une symphonie, et medite sur I'avenir du monde, A Londres tout le monde le croit fou a lier,

Ouoiqu'il en soit, I'avenir de I'hypothetique groupe semble irremediablement compromis, On parle meme a ce moment de pressions des medias pour le pousser a la rupture defi- nitive, Ourant cette periode incertaine, il sor- tira quand meme un disque, 1'1roniquement « Ha », un 25 cm live enregistre au deaway de Toronto.

Mais I'hiver devant etre difficilement sou- tenable en Islande, Jaz se decide a regagner I' Angleterre fin 82. Sa premiere decision y sera d'ejecter Youth du groupe et de trouvet Paul Raven pour le remplacer. Un nouveau Killing Joke est ne et pour se faire la main, ils partent directement en tournee US. Mais donnons la parole a Jaz pour nous raconter ses experiences islandaises : « J'y suis reste 7 mois, c'etait tres positif pour moi, je me sentais tres creatif 18-bas, en plus c'est un endroit ideal pour survivre (a la bombe ? ndr). J' al'ais comme ca dans une grotte pour ecrire une symphonie, c'etait grandiose. Mais j'ai trouve qu'il me manquait beaucoup de choses comme de boire et me saouler tous les soirs avec mes amis et faire la musique que j'aime ».

A cette epoque quand on demand a it a Jaz ce qu'etait devenu Youth il repondait invaria- blement: « Je ne sais pas ou il est et il ne le sait certainement pas lui-meme. Youth a du partir du groupe car il n'etait plus en phase avec ce que nous sommes aujourd'hui. II a fini par croire tous les commerages que I'on peut lire sur nous dans les journaux. »

Donc, 83 sera synonyme de renouveau pour Killing Joke qui se remet a y croire. C'est dans le courant de cette annee que sort le superbe « Fire Dances », qui fut pourtant critique par les vieux fans. C'est que I'on y sent le groupe plus mur, plus sur de lui, avec un son beaucoup plus clair qu'auparavant. Pourtant I'energie brute et primaire est tou- jours bien presente dans des titres comme « The Gathering », « Dominator» ou « Song and Dance ». « Fire Dances » est aussi I'occasion pour le groupe de montrer ses trombi- nes sur une pochette (interieure il est vrai) de disque. Symbole d'une certaine ouverture ? Peut-etre mais le groupe est toujours aussi survolte sur scene, et durant cette annee 83 ils vont en pietiner des planches. Toute l'Eucasion pour le groupe de montrer ses trombi- nes sur une pochette (interieure il est vrai) de disque. Symbole d.une certaine ouverture ? Peut-etre mais le groupe est toujour5 au5si survolte SUr scene, et durant cette annee 83 il5 vont en pietiner des planches. 

rope sera conquise par leur rock demoniaque, y compris des pays peinards et neutres comme la Suisse et la Suede qui d'habitude preferent une pop plutot mielleuse.

Dorenavant le groupe a ses emules qui ont pour noms Sex Gang Children, Southern Death Cult (futur The Cult}, Ritual etc. toute une nouvelle generation de rockers anglais eleves au biberon punk et s' etant fait leurs premieres dents sur Joy Division, Spear of Destiny, PIL et Killing Joke. Mais ces der- niers ne les voient pas arriver d'un bon CBil : « 115 nous imitent un point c'est tout. On les connait bien, tu paries, ils nous suivaient par- tout en tournee, ils dormaient dans notre camion, dans nos chambres d'hdtel, ce sont juste d'anciens fans >I, declarera Jaz a votre serviteur. Pourtant, KJ pourrait etre tier d'etre a I'origine de tout un mouvement qui nous a donne The Cult, Flesh For Lulu, les Sisters of Mercy ou encore plus pres de nous Oberkampf.

EIGHTIES

En 84, ils pas sent quelques mois a Berlin avec le producteur Chris Kimsey, qui aussi bizarre que cela puisse paraitre bossa avec les Stones «< Emotional Rescue », « Tattoo You », « Under Cover »), Peter Frampton et meme Peter Tosh ! Cette surprenante asso- ciation se concretisera debut 85 par le 5. LP du groupe, « Night Time ». Le virage amorce avec « Fire Dances » est alors bien confirme. Le rock hargneux s'est legerement assagi et Killing Joke obtient meme un hit, « Love Like Blood » a la surprise generale. Les puristes font la gueule, mais la maison de disques se frotte les mains. Killing Joke s'ouvre une nouvelle carriere avec un public tout ne ut et tres jeune, pratiquement le meme que Cure ou meme Depeche Mode.

Mais Jaz se balance de savoir de quoi est composee sa clientele: « On s 'en fout de toutes ces conneries, on n'a jamais fonc- tionne grace aux modes, Killing Joke n'a jamais ete rien d'autre que Killing Joke et c'est tres bien que de nouveaux publics nous decouvrent aujourd'hui, on n'a jamais voulu avoir de vieux fans gateux ".

Mais la machine est en route et beaucoup de « vieux tans gateux » se detournent d'eux car ce n'est pas un hasard si « Love Like Bloodl> investit le Top 20. Le morceau est bon, ma is n'a rien a voir avec les delires sonores, la hargne vitale des disques prece- dents. Autre morceau phare de « Night Time I>, « Eighties I>, celebre energiquement la passion de Jaz pour cette decennie.

Jaz : « Je suis tres excite par les 80'5, c'est une des plus fascinantes periodes de /'histoire car il va y a voir de profonds change- ments. Je crois en un monde futur, je ne suis pas nihiliste. Des choses folIes vont se pro- duire, de grandes mutations vont voir le jour. Ainsi la nature va devenir la super-nature, seulement 20 % de la population mondiale va survivre car personne n'est pret, puis il yaura de nouveau un monde sauvage. Les images de ce monde sont ce/1es que tu vois quand tu ecoutes KJ ».

Et ii est vrai que plus que jamais les textes de « Night Time I> evoquent un univers a la Conan le Barbare meets Blade Runner, trisant une imagerie des plus heavy metal.

Depuis, les Killing Joke sont rerentres en studio avec Chris Kimsey pour leur 6. album, « Brighter Than a Thousand Suns I>. Ayant deja la pre-cassette de I'ceuvre tant attendue (sa sortie est repoussee depuis 4 mois) je dois avouer qu'il ne merite pas, et de loin, tous les espoirs que beaucoup avaient mis sur lui. Le son est encore plus sage que sur « Night Time I>, et le KJ rock est devenu une sorte de compromis entre Human League et le style origine1. Vous connaissez deja proba- blement leur nouveau hit, « Adorations I>, le single trainant et mou, le reste n'est guere mieux, mis a part « Rubicon I>, le plus nerveux du lot.

Pourtant a ecouter Jaz, cet album est ur meill~ur: « Notre musique ~'est deve!opp , ce d,sque est hotre chef d reuvre, c est creation, c'est de la puissance honnete, c'est\ colossal. L 'explosion vient plus lentement mais elle est atomique dans le sens naturel du terme. Ce que nous faisons maintenant est tout ce que j'avais reve de Killing Joke, il n'ya plus de claviers et nous sommes deve- nus comme un veritable orchestre car on a chacun notre partie a jouer qui se mele et forme un veritable tout, c'est fantastique. II

Et quand je lui ai demande ce qui avait change dans leur 1acon de travailler depuis qu'ils etaient devenus un groupe a hit sin- gles, Jaz m'a repondu :

« Rien, on est toujours les memes, il y a toujours les memes conflits entre nous, on a pu rembourser pas mal de dettes, c'est tout. Et ne crois pas que les maisons de disques et toute cette merde exercent plus de pres- sions sur nous, c'est tout le contraire, on passe notre temps a les persecuter. II

Je I'espere bien, ils ont une reputation a maintenir tout de meme. En attendant de les revoir sur scene et en grandes pompes au Zenith cette tois, je leur souhaite de ne pas jouer a devenir aussi gros que le breut Cure, je les pretere tant en crapaud maletique.

Georges DAUBLON